Bonsoir,
Île Seguin : visite en avant-première de la Seine musicale avec Shigeru Ban
Le Figaro, le 21/02/2017
NOUS Y ÉTIONS - Pour la première fois, l'architecte japonais nous a ouvert les portes de son bâtiment d'une superficie de 35.000 mètres carrés. Il l'a conçu avec le Français Jean de Gastines, à Boulogne-Billancourt, sur les vestiges des usines Renault.
Il est 11 heures ce mardi 21 février. Tout de noir vêtu, l'architecte Shigeru Ban est venu spécialement de Tokyo, comme il le fait deux fois par mois depuis le début du chantier, pour nous ouvrir les portes de la Seine musicale. Ce Japonais, peu disert, nous explique dans un anglais parfait, plan en mains, la conception de son projet dessiné en conformité du plan urbain conçu par Jean Nouvel pour l'ensemble de l'île.
Les travaux conduits avec le Français Jean de Gastines viennent de s'achever sur l'île Seguin. Le gigantesque bâtiment d'une superficie de 36 500 m2 a été livré fin décembre 2016, sans retard et sans dérapage budgétaire. Un exploit pour la rapidité du chantier qui a duré moins de trois ans (début des travaux en juillet 2014). Avant son inauguration prévue le 22 avril, il faut lever peu à peu les réserves. Voir tout ce qui ne va pas. Ajuster les finitions...
Avant de pénétrer dans les lieux, Shigeru Ban, bientôt 60 ans, pose fièrement devant la porte monumentale vitrée, un modèle unique au monde par sa taille, 10 mètres de large sur 10,5 mètres de haut, et son poids, 5 tonnes, s'ouvrant horizontalement grâce à une centrale hydraulique. L'essai se fait devant nous. Il y a déjà une immense vitre cassée qu'il faut changer.
Aura-t-on envie de déambuler en bord de Seine sur ce sol gris sans végétation?
En ce jour bien gris, l'immense parvis devant l'écran LED noir de 800 m2 (soit l'équivalent d'un terrain de handball) paraît bien froid. L'effet glacé vient du béton. Il y en a partout sur cette île Seguin dont les contours ont eux aussi été bétonnés pour servir de socle aux constructions selon les vœux de Jean Nouvel. Et c'est beaucoup trop. Aura-t-on envie de déambuler en bord de Seine sur ce sol gris sans végétation? La pointe de l'île où les arbres ont été coupés pour les travaux espère revoir ses beaux arbres de jadis...
L'intérieur est tout aussi froid: le blanc et le gris dominent du sol au plafond. Ce dernier oscille, grâce à une peinture spéciale entre l'anthracite et le vert bronze, couleur choisie par Shigeru Ban pour la mosaïque de verre qui couvre son gros œuf abritant l'auditorium. Une coque qu'habille une charpente de bois d'épicéa lamellé collé, résille qui ressemble à un nid, la marque de fabrique de cet architecte que l'on a découvert en France lorsqu'il a construit sur ce même modèle, la charpente du musée Beaubourg-Metz au début des années 2000.
Premier arrêt dans la grande salle, totalement noire, qui offre 4 000 places assises et 6 000 places debout. De quoi faire de grands spectacles dont la programmation a été confiée à Jean-Luc Choplin. Le long de la grande avenue bordée de commerce qui traverse de part et d'autre cet immense bâtiment, Shigeru Ban nous fait remarquer par des grandes fenêtres les vues plongeantes sur les salles de répétition en contrebas.
Shigeru Ban se laisse aller à caresser les beaux bois blonds des murs
On monte d'un palier par des escaliers bordés de rampes blanches lumineuses mais pas très heureuses pour accéder au sein des seins: l'œuf ou le nid qu'entoure une immense voile de 45 mètres de haut recouverte de 800 m2 de panneaux photovoltaïques «de couleur verte, ce qui est rare et plus harmonieux» insiste Jean de Gastines. Assise sur des coussins d'air, la voile suit la course du soleil à une vitesse de 0,08 mètre par seconde, pour revenir ensuite à sa position initiale.
La surprise est totale en ouvrant les portes de cet auditorium dont l'acoustique a été conçue avec les maîtres acousticiens Nagata Acoustics et Jean-Paul Lamoureux. De nature réservée, Shigeru Ban se laisse aller à caresser les beaux bois blonds des murs n'offrant pour le son que des lignes courbes comme à la Philharmonie de Jean Nouvel ou celle du duo bâlois Herzog et de Meuron qui vient d'être inaugurée à Hambourg.
Cet immense bâtiment de la Seine musicale offre de belles promenades. Shigeru Ban insiste pour nous emmener sur les coursives entre les deux coques, celle en mosaïque et la charpente vitrée, afin de voir les vues sublimes sur Boulogne, Meudon, Sèvres et au loin Paris. La galerie du niveau 4 permet un panorama à 360 degrés sur le paysage. Tout en haut, on déambule sur un toit végétalisé de près d'un hectare, un modèle en matière de préservation de la biodiversité en zone urbaine.
Il faudra attendre quelques mois pour voir vivre ce lieu né de la volonté de la ville de Boulogne-Billancourt et de son maire Pierre-Christophe Baguet, avec un partenariat qui unit le département des Hauts de Seine à Tempo-île Seguin depuis 2013. Nul doute que celui-ci donnera une toute nouvelle dynamique à l'ouest de Paris. Et cela d'autant plus avec l'annonce de la future fondation Emerige à l'autre bout de l'île...
http://www.lefigaro.fr/culture/2017/02/21/03004-20170221ARTFIG00338-le-seguin-visite-en-avant-premiere-de-la-seine-musicale-avec-shigeru-ban.php
South Boulogne